Sarah

Mère nature

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Temps de lecture 5 minutes


C’est un portrait un peu spécial que nous vous proposons cette semaine. Sarah (nous l’appellerons ainsi) a cinquante-trois ans. Elle est mère de deux garçons. Des jumeaux un peu turbulents mais adorables qui sont sa raison de vivre. Elle ferait tout pour eux. Mentir, faire la manche... tout sauf prendre le risque de les perdre. Aujourd’hui la crise de la covid a mis fin au contrat qu’elle avait avec une boîte d’intérim. Je me rappelle le jour où on m’a appelée nous dit Sarah avec mélancolie. C’était au mois de mars l’année dernière. On m’a dit que pour l’instant c’était plus la peine de revenir. Entre temps la boîte a fermé.

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Faire la manche, une solution d’appoint

Victime directe de cette crise qui paralyse nos vies depuis maintenant un an, Sarah a su qu’elle n’avait plus le choix le jour où on lui a coupé l’électricité. Là, j’ai su qu’il fallait trouver une solution rapidement. Alors Sarah a enfilé un jean bleu foncé et une grosse doudoune, elle a mis son sac à dos et enfilé un bonnet pour couvrir ses longs cheveux poivre et sel et elle a marché jusque dans l’arrondissement voisin du sien, pour être sûre de ne pas être reconnue. Elle reste debout, son petit porte-monnaie à la main et s’approche avec douceur des passants sur le trottoir. Sur la pointe des pieds, elle demande en s’excusant cent fois s’ils peuvent l’aider de quelques pièces. En général les gens me donnent mais parfois il y en a qui m’insultent. L’autre jour, une femme m’a dit “vous n’avez pas honte, allez bosser !”, j’avais envie de dire “embauchez-moi alors !” mais ça ne sert à rien de répondre.

Accident de parcours

Avant les ménages, Sarah était "éduc’", éducatrice spécialisée. Pendant dix ans, elle s’est occupée d’enfants en difficulté. C’était dur mais elle aimait ça. Un jour, un enfant du centre montre des signes de violences un peu particuliers. Il n’était pas sous ma responsabilité mais j’ai remarqué qu’il était différent. Elle le signale à sa cheffe qui ne prend pas de mesures spéciales. Quelques jours plus tard, le jeune homme tue sa soeur. Pour Sarah c’est le drame de trop. Elle se met en arrêt et tente de passer à autre chose.

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Une peur au ventre, qu’on lui prenne ses enfants

Ses jumeaux, elle les a eus avec un espagnol originaire de Barcelone. Après leur séparation, il est rentré dans son pays. En ce moment nous n’avons pas beaucoup de contacts mais si la situation ne se règle pas je l’appellerai pour qu’il m’aide nous dit Sarah, résignée. Le dernier recours avant que la justice ne s'en mêle. Sarah s’est renseignée, si les enfants lui sont pris par l’assistance sociale et envoyés en Espagne chez leur père ou en foyer, c’est peu probable qu’elle puisse les récupérer avant leur majorité, une catastrophe pour cette mère célibataire. Mes enfants c’est tout pour moi, c’est ma vie. Quand je me lève c’est pour eux, quand je respire c’est pour eux, quand je dors c'est pour eux, rien que de les regarder avec leurs yeux pétillants ça me suffit. J’ai besoin de rien d’autre pour être heureuse. L’idée qu’ils soient placés en foyer lui est insupportable, elle qui est une enfant de la DASS. J’ai grandi dans une famille d’accueil chez des gens formidables qui m’ont appris beaucoup de choses. Elle qui venait d’une famille musulmane s’est imprégnée de culture judéo-chrétienne, et même si elle laisse désormais ses garçons choisir, elle nous avoue très timidement que c’est de la religion juive qu’elle se sent le plus proche. Avant, j’avais mon chandelier autour du cou et je mettais la kippa à mes garçons mais avec tout ce qui s’est passé j’ai peur…

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On ne récolte pas toujours ce l’on sème

Cependant, la plus grande peur de Sarah n’est pas l’antisémitisme. Son plus grand cauchemar, c’est de se faire reconnaître dans la rue dans cette position délicate. Une peur qui découle d’une honte très profondément ancrée. La honte de devoir demander de l’aide. Mais Sarah sait qu’elle n’a pas le choix, alors devant ses garçons elle garde la face et continue de prétendre qu’elle est au régime quand elle se prive de manger pour eux. Les enfants ils ont pas demandé à venir au monde, c’est comme des plantes, il faut leur donner de l’eau, du soleil et de l’amour, c’est comme ça qu’elles poussent ! 

Sarah est d’habitude de ceux qui donnent, preuve que l’on ne récolte pas toujours ce que l’on sème…

Si vous savez comment aider Sarah, contactez-nous via le formulaire de contact !

Merci pour elle.

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