Nicolas

Rainbow warrior

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Temps de lecture 5 minutes


Nicolas est ce qu’on pourrait appeler « un personnage ». Beau bébé de presque deux mètres, il fait la manche avec Jafar, son fougueux chien de berger. Devant lui se trouve une pancarte sur laquelle est écrit : « trop moche pour la prostitution ». Quand Notre-Dame a brûlé, j’ai mis une pancarte : « je ne suis pas votre dame mais moi aussi je mérite d’être reconstruit ». Il en est parfaitement conscient, ses phrases font mouche. L’humour, ça fonctionne à chaque fois lance celui qui dit se faire entre cent et cent-cinquante euros les bons jours. À l’annonce de ce chiffre, on peut être surpris mais plus on connaît Nicolas, plus on le croit. Bonhommie et jovialité ajoutent au charme de ce personnage en haut en couleur. Mais le rouannais ne compte pas que sur ces attraits, il a la tête bien faite. Avec ses quinze ans de rue derrière lui, il a appris un paquet de choses.

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La loi de la jungle

Par exemple, Nicolas sait parfaitement comment crocheter une serrure et ouvrir un lieu abandonné afin d’en faire un squat. La loi, il l’a connaît bien et avec tous les trucs et astuces pour profiter d’un toit le plus longtemps possible. Il y a des procédures plus ou moins rapides, suivant le propriétaire, suivant où il est placé. T’attaques un truc des Émirats Arabes, c’est même pas la peine t’en as pas pour 6 mois, t’attaques un truc de la Banque de France, t’en as pas pour 2 semaines ! Une fois le squat ouvert et la procédure d’expulsion enclenchée, Nicolas joue la montre pour faire durer. C’est vrai que le squat c’est excitant parce que c’est l’illégalité d’avoir un endroit qui ressemble vraiment à un appart ! Sur les bien visés, il sait aussi parfaitement à quoi s’attaquer et n’est jamais trop gourmand. Y a un métrage légal qui existe, 9m2 le minimum pour louer. C’est ce que notre gentil bandit vise. Plus c’est grand, plus il lui faut du monde, d’où le fait de vivre parfois en communauté.

Coming out raté

À propos de communauté, il nous explique - toujours avec la même gouaille - pourquoi et comment il s’est retrouvé à la rue, à seize ans. Alors qu’il est dans sa chambre avec un ami pour « réviser », ses parents entrent dans sa chambre et les grillent. Ils ont pas aimé, et puis on a assumé. Comme moi j’ai été honnête, après bah ça a été « dégage ! ». Il enchaîne sur les mots qu’il a entendu de la part de ceux qui l’ont élevé : mon père, texto c’est : « un pd sous mon toit non, tu dégages » et ma mère « va t’faire enculer ailleurs », mot pour mot. À l’époque, ses voisins proposent de l’héberger, mais Nicolas fait le choix de quitter sa ville et la famille plutôt bourgeoise dans laquelle il a grandi. J’avais un mec… on est montés à Paris. On s’est débrouillés tout seuls en mode invisible.

En roue libre

Après ces trois années de galère, une association, La Clairière, prend en charge le jeune homme. Leur approche lui plaît, c’est accueil inconditionnel pour les 16-25 ans et après jusqu’à 30 ans si tu veux rester, et y a pas d’obligation de rendez-vous. C’est-à-dire que si toi tu veux prendre rendez-vous avec le psy tu te dois d’y aller à l’heure fixée, mais on t’oblige pas à aller voir un psy nous raconte le trentenaire. Nicolas se forme ensuite dans le secteur du cyclisme. Son rêve ? devenir cadreur et fabriquer des vélos. J’aime bien les challenges, c’est comme ça que t’avances ! Volontaire et débrouillard, il fait des stages et des emplois d’insertion. J’suis technicien-vendeur diplômé de l’école du sport nous apprend-il.

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Tout pour son toutou

Même si ça situation n’est pas idéale, il est conscient de sa chance par rapport à d’autres : moi j’suis français de A à Z, j’ai mes papiers, les démarches sont faites. Donc c’est simple pour moi. Par contre un étranger qui doit déjà arriver au statut et pouvoir avoir les mêmes documents que moi c’est extrêmement difficile. Et on connaît la raideur administrative du système français. Notre gaillard a donc un diplôme, des compétences et des rêves, mais ce qui l’empêche de travailler, c’est son amour des chiens. J’ai toujours eu un chien, c’est ma réputation. Le p’tit homosexuel avec son chien à la rue, c’est moi ! Depuis 15 ans. Une passion et une présence indispensable pour ce témoin privilégié de la perte de liens entre êtres humains. Faut changer un peu les choses, nous lance Nicolas, on n'est plus au SDF de l’âge de pierre où on a juste besoin de manger, survivre, vivre d’amour et d’eau fraîche. Y a des fois juste la réponse, un p’tit bonjour, parler… un échange !Des fois c’est super cool.

Over the rainbow

La vie à la rue n’est pas une partie de plaisir tous les jours mais Nicolas possède un optimisme à toute épreuve et sa sexualité n’est jamais un problème. Quand il se présente, il annonce direct la couleur : « J’suis Nicolas j’suis gay, j’t’emmerde… enchanté ! ». Si le mec est homophobe au moins il vient pas m’parler. Son truc pour positiver, c’est de toujours voir le bon côté des choses. J’ai eu la chance de toujours pouvoir surfer sur la route. Oui y a eu des mauvais moments, des déceptions, mais y a toujours des choses positives derrière ! Je prends toujours le positif. Une belle leçon d’optimisme par ce garçon ultra sympathique que rien ne prédestinait à la rue.

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