Andreï

Diamant letton

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Temps de lecture 5 minutes


Andreï est letton. Il est né et a grandi à Riga, la capitale (pour ceux qui n’auraient pas suivi le cours sur la géographie de l’Europe, mais si vous savez “Estonie-Lettonie-Lituanie”, oui mais dans quel ordre déjà). Il parle donc le letton, le russe et aussi l’anglais. Mais jamais Andreï ne pensait avoir besoin de parler français. Son El Dorado à lui c’était l’Angleterre et ses perspectives de revenus bien plus élevées que dans son pays natal. S’il fait la manche aujourd’hui devant ce magasin à l’abandon de la rue du Temple, c’est que son aventure britannique (et sa vie en général) ne s’est pas déroulée tout à fait comme prévu...

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Diamant brut

Il est recouvert de tatouages et dans son cou se niche une toile d'araignée de la taille d’un poing d’enfant. Sur sa veste, il arbore un pin's diamant. My name in my language means Diamond, everyone calls me like this. Effectivement, Andreï est une vraie pépite et nous sommes sur le point de le découvrir. Un diamant brut dans le sens littéral du terme. Son sourire en coin en dit long. 

Andreï, un héros de film… mafieux

L’homme de trente-neuf ans n’est pas exactement ce qu’on pourrait appeler un enfant de coeur. Il nous explique que quand il était plus jeune, sa vie ressemblait déjà à une sorte de remake du Parrain version lettone. My life was... romantic and criminal, dit-il avec un air de fierté teinté de nostalgie. En parallèle de sa vie d’apprenti mafieux, il fait des études pour devenir plombier. C’est à ce moment-là qu’il rencontre celle qui va devenir sa femme, but she knew who I was...​​​​​​​

Déception amoureuse

Pour lui offrir le meilleur, Andreï décide de partir en Angleterre, histoire de mieux gagner sa vie. Il lui envoie des sous tous les mois. C’est là que ça se corse. When I was in the UK she went to see my friend... and everything... finished. L’homme divorce de sa femme, enceinte de son enfant. C’était il y a un peu plus de douze ans. Aujourd’hui il n’a aucun contact avec son fils. Il ne veut pas en parler mais nous montre les plaques de psoriasis rouge vif qui tranchent avec sa peau blanche. She tells him nothing about me, only bullshit. Le bad boy au coeur tendre s’en veut d’avoir été aussi bête, d’avoir autant donné à cette femme qui l’a abandonné. 

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Retour à la case départ

Au moins à Cardiff, il avait un job et un appartement. Oui mais voilà, la drogue a tout gâché. Car pour continuer de se procurer sa dose quotidienne de drogue (alcool, marijuana mais aussi héroïne), Andreï doit voler. Son salaire de "kebabier'' ne lui permet pas de se payer ce luxe. Un jour il se fait arrêter par la police anglaise, interner dans un camp de réfugiés et reconduire dans son pays. Retour à la case départ.

Du Parrain au Terminal

Sa mère lui paye alors un billet direction Paris. Mais les penchants d’Andreï l’emportent encore une fois. Lors de l’escale en Ukraine, il boit quelques bières, visiblement un peu trop pour que le chef de cabine le laisse embarquer dans le vol pour Paris. Du héros du Parrain, il devient celui du Terminal. Mais vous l’aurez compris, Andreï est débrouillard. Il passe six mois en Ukraine. They speak Russian there ! Il dort dans une gare, rencontre un homme qui devient son ami, trouve un travail, économise et se reprend un billet aller-simple pour la ville lumière.

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Faire la manche pour survivre

Now I’m three years here, soupire le letton. Ici, la barrière de la langue lui rend la tâche très compliquée pour trouver un travail, même au black. Car pour travailler officiellement, il lui faudrait des papiers, une démarche qui coûte plus de deux cents euros. Pour l’instant en faisant la manche, il obtient de quoi survivre au quotidien. Il peut aussi se laver dans un centre à Pompidou, manger à sa faim grâce aux associations, mais pas économiser. Il dort avec un ami dans un squat souterrain où au moins il n’a pas froid. 

Quand on lui demande pourquoi il préfère vivre dans ces conditions dans un pays étranger plutôt que dans son pays, il est presque choqué qu’on lui pose la question. What can I do in Latvia ?! There is no money, no job... only government has money. 

Mais Andreï veut s’en sortir et dit pouvoir faire n’importe quoi, I can do too many jobs ! Point positif, il ne se drogue plus depuis qu’il a passé six mois en centre de désintox à Marseille... only a few beers ! dit-il fièrement. Et sa mère ? Il ne veut pas qu’elle sache qu’il est dans cette situation. Alors quand il l’appelle, il ment.

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« Thank you for talking »

Heureusement Andreï n’est pas tout seul. Il a un ami qui parle sa langue et aussi un travailleur social qu’il voit tous les jours mais qui l’aide surtout pour le quotidien (les médicaments, etc.). Mais ce n’est pas exactement ce que l’homme avait imaginé pour sa vie. En partant, il souffle un thank you for talking qui en dit long sur sa solitude.​​​​​​​

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